Tandis qu'Eyrolles annonce que la nouvelle édition du livre de Christophe Porteneuve est déjà disponible en ligne en avant-première sur leur site Izibook (alors que la parution en librairie est prévue pour mi-octobre 2008), on peut se demander quelle est la portée de ce nouveau type de produits.
Plusieurs définitions caractérisent l'e-book, mais celle qui concerne le produit annoncé par Eyrolles est un ouvrage dont les informations ont été numérisées et sont disponibles en tant que fichier informatique
.
Alors que le site ebooks.com annonce plus de 130 000 références, ebooksgratuits.com (premier site francophone en tête de liste sur Google) semble moins accrocheur, ce qui laisse croire que l'e-book n'est pas encore un produit de premier plan chez nous.
La page consacrée aux livres électroniques sur Wikipedia détaille les avantages et inconvénients de cette technologie : facilité de recherche au sein du fichier, aucun encombrement et accès à certaines œuvres épuisées d'un côté; confort de lecture et gestion des droits et de diffusion complexe d'un autre.
Ce qu'on y gagne
Pour un auteur, cette technique offre un canal de communication bien plus accessible et vaste que la distribution via un éditeur. Cela lui permet d'ailleurs également (à condition d'avoir une visibilité suffisante) de s'affranchir d'un éditeur et d'un distributeur en proposant ses œuvres via Internet, dans l'idée des communautés comme MySpace, Skyblogs, et autres "dénicheurs de talents".
Pour un éditeur, l'avantage d'un livre électronique est évident en terme de coût : les frais de production (papier, encre, machines), de développement, de stocks, de copie, de distribution (Fnac, Amazon, etc.) et de publicité sont bien plus faibles que pour un ouvrage papier.
La plateforme Izibook d'Eyrolles propose cependant le titre "Bien développer pour le Web 2.0 (2è édition)" au tarif de 35 euros, tandis que le tarif public serait de 45€, soit 42.75€ en tenant compte du rabais de 5% pour l'achat en ligne chez Eyrolles.
Le coût n'est pas forcément là où l'on croit
A priori, on pourrait penser que la version électronique bénéficie d'un prix très bas au vu des économies réalisées sur ce type de produits, ce qui n'est pas forcément le cas ici.
Cependant, la différence est notable entre les e-books d'un véritable éditeur, et de simples plateformes qui fédèrent du contenu auto-édité :
- Notoriété de l'éditeur : une maison d'édition comme Eyrolles ne fait pas "que" mettre des produits sur une plateforme. Elle vend et accompagne le produit, notamment en terme de marketing,
- Risque encouru par Eyrolles dû à l'auto-concurrence entre les format du même produit : si l'eBook est trop onéreux, il ne sera pas vendu; s'il est trop bon marché, c'est la version livre papier qui en pâtira ainsi que tout le marché économique actuel d'une maison d'édition,
- Coût de la conception de la plateforme (Izibook) et des logiciels de "moulinette" qui traduisent les manuscrits en PDF avec hyperliens et autre outils spécifiques à l'eBook.
En gros, la marge de manœuvre n'est pas la même qu'il s'agisse d'un eBook "pur", ou d'une adaptation numérique d'un livre papier. On peut se poser la question de savoir s'il est vraiment possible de faire coexister, au sein de la même enseigne, deux formats du même contenu sans que l'un des deux n'en pâtisse. L'avenir nous le dira.
Commentaires
L'ebook a un problème majeur : ce n'est pas un objet que l'on utilise confortablement. En clair, même pour un geek lire un roman sur un écran est difficile, alors pour le grand public c'est généralement impossible.
La chose n'est pas figée dans le temps. Avec de meilleurs écrans, et avec le remplacement démographique, la chose devrait s'installer petit à petit.
Ca reste un marché utile aujourd'hui, soit en complément du livre papier (pour faire des recherches rapides par exemple), soit meme tout seul. Un livre technique comme celui que tu cites pourrait très bien se vendre à part (je veux dire, donner le choix de l'ebook ou du papier aux acheteurs) en ebook.
Reste le problème du prix. Pour un livre moderne (écrit depuis quelques années), le coût est presque nul ; et le prix devrait être considérablement inférieur.
Le livre est écrit, relu et corrigé, puis mis en page. C'est le point de départ. A partir de là, si j'édite un livre je dois :
1. Traiter avec mon imprimeur : sortir des spécifications, négocier prix et délais, valider un bon à tirer, etc.
2. Payer l'impression, la livraison à un ou des grossistes.
3. Vendre le produit aux professionnels (grossistes, distributeurs).
Le grossiste/distributeur achète donc un livre à X, il va le vendre aux détaillants (librairies, etc.) à X+marge, qui vont le vendre au public à X+marge+marge. Les coûts varient, mais pour des petites unités (quelques milliers ou moins) l'éditeur va gagner par livre 25% du prix de vente TTC public.
Avec un ebook et déjà une présence internet, il n'y a aucun intermédiaire. Il y a trois couts supplémentaires :
1. Il faut payer la TVA
2. Il faut la plateforme de vente du produit
3. Il faut un peu de SAV pour gérer les problèmes
Restons sérieux, ces trois coûts sont très faibles. Il n'y a aucun coût pour passer en numérique, puisqu'on livre déjà à l'imprimeur un PDF tout préparé. Il faut juste refaire une sauvegarde de ce PDF avec des options différentes (sns bleeding, sans crop marks, avec une résolution inférieur, avec les images en JPEG) ce qui prend *montre en main* moins de 30 secondes.
Dans le cas d'un livre à 45€, en rajoutant 20% de marge (20% en plus ! C'est déjà énorme) et en ajoutant une TVA à 19,6, on arrive à un prix public à 16€.
- l'éditeur gagne plus sur un ebook que sur un livre papier, ce qui veut dire que même avec 100% (ce qui n'est jamais le cas en réalité) de cannibalisation de gamme il ne perd rien bien au contraire
- l'acheteur gagne un livre dans le format qu'il veut (ebook ou papier, ou les deux)
Bref, tout le monde est content.
Vendre un ebook à 35€ au lieu de 45€ en papier, c'est du foutage de gueule pur et simple. Comparable au foutage de gueule de la musique en ligne.
Reste le problème des DRM : c'est lent, ça diminue *drastiquement* les ventes, ça coûte très cher. Et bien sur, ça ne sert strictement à *rien*. Mais il faut être un professionnel avisé (et pas un vendeur de choux fleur qui sont faits en papier reliés) pour bien l'intégrer ; et avoir la décence de ne pas traiter ses clients comme des voleurs (ce qui est la moindre des choses quand on a la preuve irréfutable que les DRM «créent des voleurs» en fait, puisque ceux-ci ont la vie belle, et les acheteurs légaux sont emmerdés en permanence).
Jérémie :
Après vérification, les Izibook Eyrolles sont *sans* DRM, c'est un point important à prendre en compte.
Tes calculs sont particulièrement péremptoires. S'ils sont justes, c'est impressionnant, sinon cela pourrait être considéré comme une atteinte gratuite.
As-tu des sources précises pour ces chiffres ?
Dans tous les cas, attention à ce que tout le monde modère ses propos.
Le sujet peut vite déraper et devenir diffamatoire, auquel cas, je fermerai immédiatement les commentaires. (J'ai déjà eu ce genre de problèmes pour un autre blog et j'ai assez donné)
Tiens c'est marrant, j'ai fait ce dimanche une présentation sur la dématérialisation des oeuvres et le livre numérique pour une journée d'information de la Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse. Dans l'ensemble le public était très intéressé mais assez loin de ces réalités.
J'ai surtout essayé de faire passer quelques idées sur les futurs supports de lecture (livre numérique souple, léger, contenant toute une bibliothèque, en couleur et avec animations voire vidéo, permettant l'agrandissement du texte pour s'adapter à la vue de l'utilisateur... en pratique, un livre plus performant et confortable que son équivalent papier) et sur l'absence de réticences pour passer au «tout numérique» des plus jeunes générations (ce qui est difficile à comprendre quand on a entre 25 et 75 ans aujourd'hui et qu'on est attaché à l'objet livre).
C'était les chiffres il y a 5 ou 6 ans quand je travaillais pour un micro éditeur/importateur/grossiste (les plus gros tirages étaient en-dessous des 4000).
Eyrolles doit probablement gagner plus grâce à leur boutique (vente directe), mais même si mes chiffres ne sont pas exacts pour un éditeur avec plus de poids, la différence ne doit pas être astronomique. L'essentiel est là, quand on vend un jeu/disque/dvd/livre, on gagne très, TRES loin du prix de vente public.
Le principe reste simple : il faut ajuster les prix sur les coûts. Et les coûts sont drastiquement (mais vraiment, il n'y a pas de comparaison) inférieurs en vente d'ebook.
A noter que je n'ai pas pris en compte un remodelage de l'ebook pour le format. Si on passe un livre de poche à un format A4 imprimable (il faut alors refaire la mise en page), qu'on ajoute des hyperliens, des erratas au fur et à mesure de leur sortie, etc. oui c'est un travail supplémentaire, quoi doit être rémunéré c'est tout à fait normal.
Ceci dit, ce travail rapporté au prix unitaire d'un ebook, c'est peanuts. Aller 1€ de plus sur le prix de vente, et encore.
Les ebooks, tels qu'ils ont été proposés jusqu'à présent, ont presque tous le même défaut : ils ne fonctionnent qu'avec les textes vendus par la cyber-boutique du vendeur de l'ebook.
J'achèterai un ebook le jour où je pourrai y charger blog.alsacreations.com (ou Wikipédia ou les RFC ou les normes du W3C ou les textes distribués par Gutenberg) et le lire dans mon bain.
www.bortzmeyer.org/e-book...
Il faut pas confondre ebook (c'est juste un livre numérique, bref un simple PDF par exemple) et l'objet physique qui est censé remplacer le livre (et où on peut charger des ebooks).
Et oui je suis d'accord. Je suis près à payer un prix raisonnable pour un objet servant basiquement de papier électronique (un genre de pda mais avec un écran spécial livre-lecture bien plus confortable), mais pas question de me laisser enfermer par des DRM. Donc le Kindle d'Amazon par exemple, c'est non.
L'eBook décolera vraiment lorsque l'on aura de véritables lecteur eBook, c'est à dire des tablettes, petites, légères, consomant peut d'energie, et si possible avec l'une de ces nouvelles technologies d'écrans qui renvoient la lumière ambiante au lieu d'en emettre (moins fatiguant pour les yeux), et à un prix démocratique, c'est à dire 25 à 30€ le lecteur.
Il est vrai que lire un eBook sur PC de bureau ou même portable, n'offre pas le même confort qu'un livre (et que ça peut même être trés fatiguant)... d'où la nécessité d'un support mieux adapté.
Concernant l'avantage du prix des documents, il ne faut pas oublier que quand on achète un livre, on achète pas du papier, mais un contenu, et que c'est le contenu que l'on achète, parce que c'est lui qui a de la valeur. Mais c'est évident que ça devrait avoir un impacte positif sur les prix, et surtout permettre aux petits auteur de s'affranchir de l'obstacle parfois infranchissable, que sont certains éditeurs.